De Marcel Vervloesem à Patrice Verdi

prisonTurnhout, 2 septembre

Cher Patrice,

Merci pour votre lettre du 26.08.2009, que j’ai plaisir a recevoir, ici dans ma prison. Je m’excuse directement de vous écrire en néerlandais, parce que je ne connais pas bien le français. Si j’avais un ordinateur dans ma cellule, ce problème serait résolu avec un bon programme de traduction, mais je n’ai pas autant de luxe. Je souhaite avant tout vous répondre.

Le problème que vous décrivez est une triste réalité, qui n’est pas si simple. Il est, et reste un fait que travailler dans ce domaine, est très difficile et prend énormément de temps. Aussi, on devient rapidement victime d’obstruction par ceux qui ont le pouvoir et devraient prendre leur responsabilité. Le manque de bonne volonté, fait que le petit monde criminel peut calmement suivre son chemin, sans crainte. Le problème dépasse les frontières et touche des milliers de victimes. Des victimes qui demandent de l’aide et ne sont pas entendues par les autorités. Mais ces milliers voix qui demandent de l’aide et de la compréhension, ne sont pas entendues, parce qu’elles ne seraient pas importantes.

Les gens qui osent s’engager pour ces victimes, deviennent aussi victimes des accusations, des chasses aux sorcières, des humiliations et aussi des poursuites qui se terminent en prison. Notre optique ne nous permet toutefois pas de laisser tomber nos principes. Nous devons continuer malgré tout à lutter contre ces traitements inhumains et dégradants, parce que ces milliers de victimes ont le droit d’être aidées. Parce que ces victimes ont le droit d’être entendues. Et dans notre lutte, nous devons nous mettre sur le côté, si il le faut.

Il est un fait que ce n’est pas agréable. J’aurai aussi préféré avoir une autre vie et un autre destin. Calmement, dans un petit fauteuil devant la télévision, complètement aveugle sur les choses qui m’entourent. Mais comme activiste, je suis conscient que je ne pourrais pas vivre dans cette indifférence. Les milliers d’enfants sur les cd-roms de Zandvoort, dans le dossier national et international, dans notre pays, en France et ailleurs, ont droit à notre soutien et notre aide. C’est indépendant du destin qui nous attend. Je comprends aussi votre situation en tant que policier, en connaisseur du terrain. Je comprends aussi votre frustration, votre sentiment de colère et votre partielle impuissance. Savez-vous pourquoi Patrice ? Parce que depuis 1998, je suis moi-même objet de cette situation et j’ai vécu ce que cela signifie. Est-ce que vous connaissez les humiliations pendant des années, le lynchage médiatique, les accusations sales, toutes les condamnations que j’étais obligé d’accepter sans protester, à cause de mon combat pour les milliers de victimes ?

Mais cette douleur n’était encore rien. Le pire, le plus pénible de voir comment les gens sont aveugles et idiots face aux victimes qui crient pour appeler à l’aide. Ma douleur est insignifiante à côté de ça. Mais peut-être ma douleur a-t-elle réveillé un certain nombre de gens ? La route est toutefois encore longue, très difficile et il ne sera pas aisé d’atteindre notre but commun. En revanche, toute petite amélioration, toute petite avance signifie énormément pour eux. Qui sommes-nous ou serions-nous, cher Patrice, si nous restions aveugle et sourd dans cette problématique ? Serions-nous alors supérieur à ces hommes exploitent ces milliers d’enfants ? Je ne me plaints pas d’avoir toujours, avec mes propres petits moyens, lutté pour les enfants. Ils le méritent.

Pour ce moment, je suis enfermé. C’est le destin de tous les activistes. Je n’ai plus à attendre grand-chose en tant qu’activiste dans ma vie, vu ma situation médicale (diabète, cœur, reins et sang malades, cancer) qui m’oblige à aller 5 fois par jour à l’infirmerie. Je vis dans un tout petit espace, pour ma situation médicale : 2m30 sur 4 m, que je partage avec un autre prisonnier. Savez-vous que je vis sur un espace de 81 petites dalles ? Je ne peux pas regarder à travers les barreaux de la fenêtre, parce que cette fenêtre est trop haute. Savez-vous Patrice, qu’on a du m’opérer 5 fois depuis mon incarcération, le 5 septembre 2008 et que j’ai été enchaîné durant 591 heures comme un chien, à toutes sorte de lits d’hôpitaux, appareils médicaux, etc., avec des menottes en métal au pied, parce que le règlement de prison le prescrit ? Et pourquoi, parce qu’on s’engage pour ces milliers d’enfants.

Mais mon destin est comme ça. Je n’ai pas droit au congé pénitentiaire. Je ne peux pas embrasser mes petits-enfants. Je ne peux pas rendre visite à ma famille et à tous ceux qui m’aime, parce que ma conscience m’oblige à ne pas laisse tomber mon point de vue, qui est bien connu. Ma situation n’est pas de l’eau de rose, Patrice. Je suis même obligé de taper mes lettres en caractère majuscule, parce que les petits caractères sont brisés et il n’y a pas moyen d’en avoir un autre. Je continue malgré tout à expliquer les mots de tout mon cœur.

Je sais aussi que dans beaucoup de pays, beaucoup de gens sont actifs autour de mon destin et ma douleur. Je sais qu’il y a des protestations sur ma situation, qu’elle est exposée en publique et que les autorités ont reçu de nombreuses lettres. Et je suis très heureux pour ça. Mais Patrice, pensons en première place aux milliers de victimes !

Un certain site m’a nommé le Nelson Mandela belge. Je suis nommé un prisonnier politique, et je ne sais pas quoi encore. Mais cher Patrice, je suis simplement Marcel, un petit activiste et je veux le rester. Il n’y a pas de barreau, pas de chaîne, pas de mur de prison qui m’empêchera de rester comme ça et de garder ma conscience.Je vous envoie aussi de tout cœur, mes meilleures salutations.

Marcel Vervloesem (A la main) De tout cœur, je vous souhaite beaucoup de courage pour votre travail magnifique.

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